samedi 1 novembre 2008

Petite analyse de la crise

Nous vivons actuellement le début d'une crise économique due à une crise financière plus connue sous le nom de crise des subprimes.
La question qui se pose pour beaucoup, c'est : "Comment en sommes nous arrivés là ?", et les réponses qu'on donne souvent : "c'est la faute des banquiers" ou "c'est la faute de la dérèglementation".
Je pense plutôt que le problème est systémique. Il s'agit d'un problème de masses monétaires. Mais avant de commencer, je rappelle ce qui est appelé masse monétaire du point de vue financier :

  • M1, correspond à la monnaie fiduciaire et aux dépôts à vue,

  • M2, correspond aux dépôts à court terme (comptes d'épargne),

  • M3, correspond aux dépôts à long terme (plans d'épargne).


Cet argent est un argent mis à disposition de l'économie. Intéressons nous aux dépôts à vue, à M2 et à M3. Cet argent est mis à disposition des banques qui en garantissent la valeur. Comme cet argent n'est pas utilisé immédiatement (surtout dans le cas M2 et M3) la banque en dispose pour émettre des crédits. La seule contrainte qu'elle a sur cet argent c'est de conserver une réserve qui lui permet de faire face à une demande de retrait, ce principe s'appelle une obligation de réserve. Lorsque la banque doit faire face à un retrait plus important que sa réserve, elle peut s'endetter auprès de la banque centrale dont elle dépend ou bien auprès d'une autre banque qui n'aurait pas à faire face à ce type de retrait. Il existe pour elle une autre façon de faire face à cette demande : elle peut vendre les reconnaissances de dettes liées aux crédits qu’elle a émis. Le risque lié à cette dette sera alors pris en charge par l’acheteur de la dette.
C’est ce principe de revente des dettes qu’on appelle subprime. Ce n’est pas le déclencheur de la crise, c’est le propagateur. La question qui se pose alors, c’est : quel est le déclencheur ?
Revenons au processus d’octroi de crédit : La banque qui octroi un crédit continue à garantir l’ensemble de l’argent déposé sur ses comptes, elle a donc émis de la monnaie en échange d’une reconnaissance de dette. Cet argent émis va être à son tour déposé en banque, ce qui permettra d’émettre un nouveau crédit. Ce n’est pas grave, me direz-vous, en échange du paiement permis par chaque crédit, un nouveau bien a été produit, la richesse a donc augmenté. C’est vrai, mais il existe deux problèmes : les crédits ne servent pas qu’à acheter des biens, ils peuvent servir à acheter des reconnaissances de dettes, et un taux d’intérêt cours sur ces crédits.
Dans le premier cas, on peut aisément imaginer qu’on achète avec un crédit sa propre reconnaissance de dette. C’est absurde, mais les banques l’ont fait : elles sont endettées entre elles à raison de 13 fois le PIB du monde. Ceci signifie que sans octroyer de crédits, il faudrait 13 ans pour effacer l’ensemble des dettes du monde… Or la crise actuelle montre bien qu’une crise du crédit paralyse l’économie. Cette dette ne sera donc JAMAIS remboursée.
Le deuxième cas est plus fin. Imaginez que vous vous endettiez. Vous devez payer en plus de l’argent emprunté des intérêts qui correspondent à loyer de l’argent. Si vous vous endettez pour 10000€ et que vous remboursez 1000€ par an avec 4% d’intérêts vous allez payer : 1000€ la première année, et il faudra rajouter à la somme à rembourser 4% soit 10000 * 1.04 -1000 = 9400. Mais les 10000 qui ont permis entre temps à acheter un bien, servent à également à émettre un autre prêt sur lequel vont courir également des taux d’intérêts. Imaginons que la réserve obligatoire soit de 10%, la banque va pouvoir émettre un prêt de 9000€. Voici une simulation de ca qui va se passer en imaginant 7 prêts en cascade avec ces données :
Prêt 1Intérêts 1
10000,00400,00
9400,00376,00
8776,00 351,04
8127,04 325,08
7452,12 298,08
6750,21 270,01
6020,21 240,81
5261,02 210,44
4471,46 178,86
3650,32 146,01
2796,34 111,85
1908,19 76,33
984,52 39,38
23,90 0,96
0,00 0,00


Prêt 2 Intérêts 2
9000,00 360,00
8360,00 334,40
7694,40 307,78
7002,18 280,09
6282,26 251,29
5533,55 221,34
4754,90 190,20
3945,09 157,80
3102,90 124,12
2227,01 89,08
1316,09 52,64
368,74 14,75
0,00 0,00


Prêt 3 Intérêts 3
8100,00 324,00
7424,00 296,96
6720,96 268,84
5989,80 239,59
5229,39 209,18
4438,57 177,54
3616,11 144,64
2760,75 110,43
1871,18 74,85
946,03 37,84
0,00 0,00


Prêt 4

Intérêts 4

7290,00 291,60
6581,60 263,26
5844,86 233,79
5078,66 203,15
4281,80 171,27
3453,08 138,12
2591,20 103,65
1694,85 67,79
762,64 30,51
0,00 0,00


Prêt 5 Intérêts 5
6561,00 262,44
5823,44 232,94
5056,38 202,26
4258,63 170,35
3428,98 137,16
2566,14 102,65
1668,78 66,75
735,53 29,42
0,00 0,00


Prêt 6

Intérêts 6

5904,90 236,20
5141,10 205,64
4346,74 173,87
3520,61 140,82
2661,43 106,46
1767,89 70,72
838,61 33,54
0,00 0,00


Prêt 7

Intérêts 7

5314,41 212,58
4526,99 181,08
3708,07 148,32
2856,39 114,26
1970,64 78,83
1049,47 41,98
91,45 3,66
0,00 0,00


Il est important pour bien se représenter le problème d’imaginer que pour émettre ces prêts successifs, il a fallu une quantité d’argent de départ garantie par un fond de réserve de 10% qui était de 1111,11€. Cette quantité d’argent de départ a permis d’émettre 52170,31€ de crédits et 11747,26€ d’intérêts sur ces prêts. Pour rembourser tous les prêts successifs il faut une somme d’argent supérieure à la somme de départ. Le seul moyen de rembourser ces dettes est de produire une quantité de richesse supérieure à la quantité de richesse de départ : en clair la croissance permet de rembourser les dettes.
Seulement il y a un hic. La croissance doit se faire en pourcentage de l’année précédente, elle n’est pas linéaire. Si on doit faire 3% de croissance par an, si on a un indice 100 la première année on aura 103 la deuxième année, 106,09 la deuxième, 109,27 la troisième… 130,48 la dixième (+30%), 175,35 la vingtième (+75%)… 1865,89 la centième (+1700%). En gros, si aujourd’hui le possède 1 voiture, dans 1 siècle je dois en posséder 18 pour que l’économie ait pu continuer à fonctionner. Ceci ne peut fonctionner que si les ressources sont infinies. Or les ressources sont limitées, il y a donc une nécessaire fin à la croissance. Le problème, c’est qu’un arrêt de la croissance entraîne forcement un défaut de paiement d’un crédit, ce défaut de paiement va entraîner des défauts de paiement en cascade de l’ensemble des acteurs qui auront émis des crédits ou achetés des dettes et le système est voué… à la crise.

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