lundi 4 août 2008

Droits d'auteur et droits voisins

Le gouvernement est allé très vite dans les réformes cette année. La plupart d'entre elles ont été mené assez vite, avec peu de temps de réflexion. Ceci ne laissait qu'aux spécialistes la capacité de critiquer les projets, ce pourquoi il fallait du temps.
Les droits d'auteurs et droits voisins, correspondaient à l'un des sujets en question, notamment au travers de la loi sur la riposte graduée.
Pour resituer le débat, je vais commencer par redéfinir le droit d'auteur. Il s'agit du droit qu'à un artiste de choisir la façon dont ses œuvres peuvent être diffusées. Ce droit dure toute la vie de l'auteur et 70 après sa mort. J'ai également parlé de droits voisins. Il s'agit des droits dont disposent les interprètes d'une œuvre dont ils ne sont pas auteurs. Par exemple, l'interprète d'une œuvre de Mozart (domaine public) garde des droits sur son interprétation. Ces droits durent 50 ans à partir de la production de l'œuvre, voire 70 ans dans certains cas.
Avec l'arrivée massive d'internet à haut débit dans les foyers au début des années 2000, nous avons tous eu la capacité d'échanger des quantités astronomiques d'information par rapport à ce que nous pouvions faire auparavant. Or parmi ces données nous avons échangé des œuvres protégés par droit d'auteurs et droits voisins.
Il est important de comprendre comment et surtout pourquoi cela s'est fait. Dans les années 90, le support pour la musique était le CD. Il s'agit techniquement de la gravure sur un support de données brutes décrivant un son : en gros, une information égale une position du hautparleur, le nombre d'information par seconde produit un son. Une chanson tient 50 Mo, pas question de le transférer sur nos petits modem 56k. Au début des années 2000, nous voyons arriver conjointement l'ADSL et un nouveau format de son compressé : le MPEG1-layer3 mieux connu sous le nom de MP3. Les fichiers musicaux étaient réduits à 5% de leur taille originale et pouvaient circuler sur des lignes augmentées de 400%.
Or l'industrie musicale à l'époque n'avait pas compris l'intérêt d'Internet pour la musique. Les décideurs pensaient que, puisque les œuvres étaient protégées par droit d'auteur, les internautes allaient respecter ce droit et continuer à acheter le seul support autorisé : le CD. Seulement voilà, un CD avec 12 chansons qui coûte 20€ face à Internet avec pratiquement tout qui ne coûte qu'une connexion, la lutte a été assez inégale. Autre phénomène : un CD coûte cher à fabriquer, ce support était donc réservé à des auteurs ou des interprètes qui avaient la possibilité d'être distribués par... les majors. Or Internet ne coûte pratiquement rien en distribution (une centaine d'euros par an) et de nombreux groupes ont utilisé ce média pour se faire connaître. Kamini par exemple, n'a été produit par Sony que lorsque sa chanson a commencée à être connue, ce qui n'aurait pas été possible sans Internet.
Pour résumer, nous sommes passé d'un marché captif à un marché ouvert où absolument tout a circulé, le légal, comme l'illégal. Or ceux qui profitaient de cette captivité du marché ont tenté de refaire pareil sur Internet. Deux voies distinctes ont été empruntées : la protection des données, et la loi.
Parlons de la protection des données. Elle est en général établie grâce à un système de protection appelé DRM (gestion numérique des droits). Il s'agit généralement de crypter le fichier ou vidéo musical et de n'en permettre la diffusion que grâce à une clef de décryptage. Techniquement... c'est impossible, aucun système de DRM n'a jamais ou ne tiendra jamais le choc : il s'agit de mathématiques réversibles avec des échanges de données et toutes les données se retrouvent à un moment donné entre les mêmes mains, celles de l'utilisateur. Celui-ci dispose toujours à un moment donné de l'ensemble des informations qui lui permettent de casser la protection. Mais il faut savoir que l'idée de départ des DRM n'est pas de protéger les œuvres, mais d'avoir des lecteurs qui ne sachent gérer que ça. Si un lecteur ne peut plus lire un fichier sans DRM, seuls ceux capables de diffuser des fichiers avec les bonnes DRM seront capables de le faire, ce qui rendrait le marché captif.
Autre voie : la loi. Les deux lois (DADVSI et Loi sur la confiance de l'économie numérique) ont pour but de protéger légalement les DRM voire de les imposer et de punir TRES sévèrement les utilisateurs qui pirateraient des œuvres. Mais ceci ne s'arrête pas là : des mesures techniques de bridages des réseaux doivent être mises en place par les hébergeurs, il devient interdit de créer des logiciels susceptibles de faciliter le piratage et les fournisseurs d'accès et une surveillance automatique pourra être mise en place par les ayants-droits (surtout par leurs représentants). Nous avons plusieurs problèmes ici : Internet facilite le piratage, doit-on interdire Internet ? Ce n'est certes pas un logiciel, mais comme n'importe quel système existant peut être utilisé, si une somme de bridages doit être mis en place, nous finirons par ne plus avoir accès à rien, ni illégal... ni légal. Le deuxième problème, c'est qu'avec une surveillance automatique qui ne passe pas par la case justice, il est possible à un "surveillant" de réseau de brider l'accès à une information sur laquelle il ne dispose pas des droits, son concurrent par exemple. Le dernier problème, c'est que ces mesures de protections vont coûter cher aux hébergeurs et fournisseurs d'accès, et le prix sera répercuté sur les clients. Nous aurons donc un service dégradé plus cher. Si le gouvernement cherche à tuer Internet en France, il est sur la bonne voie.
Ce qui va arriver prochainement, c'est que les réseaux seront tous cryptés et que plus personne ne pourra écouter personne. Ceci aura un impact sur les performances du réseau, mais tous les risques d'écoutes seront écartés, plus d'espionnage possible, toutes les activités illégales passeront inaperçues au milieu des flux légaux.
Le seul moyen d’arriver à une économie de confiance, c’est que les ayants droits ou leurs représentants mettent en place les outils nécessaires à un commerce électronique des œuvres. Les utilisateurs doivent pouvoir avoir le choix des outils qu’ils utilisent. Je suis partisan, personnellement, d’une double offre commerciale et gratuite, pas forcement par les même acteurs, qui est, à mon sens, le meilleur moyen de donner à la création des capacités d’innovation et de qualité.